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13 janvier 2015 2 13 /01 /janvier /2015 18:22
 1 lho manaslu 

Namasté !
Me voici de retour au Népal, pays si attachant, pour cette fois le tour du Manaslu, un 8000, en 9 jours dont 7 étapes pour 200km de course : le Manaslu Trail Race. Le Manaslu est à côté du massif des Annapurnas. L’organisation est anglaise et Richard, avec l’appui local de Dhir, nous a concocté un programme alléchant.
C’était super beau et frisquet. J’en ramène une 3° place, un bon rhume et que du plaisir, et j'ai bien passé le col à 5100m. Et quelques premières ! J’étais… la plus vieille des femmes et j'ai utilisé des crampons pour la première fois de ma vie.
Nous étions 32 coureurs, dont 13 filles, un record. Et 6 français, dont 4 filles. Du jamais vu !
3 sama lac photo groupe

J'ai un porteur, donc je peux courir légère. La belle vie ! Ca va ma changer de Mada d’où je reviens et de l’Annapurna Mandala Trail d’il y a 3 ans.
Je commence par 3 avions d’affilé en partant le vendredi soir après le boulot pour arriver le lendemain midi à Katmandou. J'ai 2h de décalage, donc pas d'incidence pour moi, juste une nuit d'avion à récupérer. Je reconnais tout de suite le trajet jusqu'à l'hôtel, toujours le même, et l'ambiance indienne de la ville. L'aéroport est situé juste à côté de Pashpati, les ghat crématoires, ça fume !
Richard m’accueille avec le traditionnel khata, l’écharpe de félicité. Il a l’air impressionné par mon CV de coureuse. Je suis la première de ma chambrée à arriver.
    6 sama 12 enfantsJ'ai l'après-midi libre, je vais me balader dans la frénésie de Katmandou, parsemée de nombreux temples hindous.
Je rentre à l'hôtel et je fais connaissance de ma côturne, Rachaele, une anglaise qui parle bien français, fan de Chamonix. Elle fait des abdos et du stretching pendant que je bouquine. Nous n’avons visiblement pas le même rythme.
Dans la soirée, je retrouve le gros de la troupe, il y a déjà un groupe francophone : les français et un belge. Il y a 4 copines de Morzine qui ont laissé maris et enfants à la maison pour venir s'éclater ensemble au Népal. Bonne idée ! Et Fabien français singapourien. Et Samuel, fan de très haute montagne. Le reste est anglais, australien, américain, espagnol, italien, norvégien.
Nous allons tous dîner dans un des resto le plus renommé de Katmandou, spécialités népalaises agrémentées de danses locales.
De retour au pieu, ma chambre s'est encore remplie avec Geneviève, morzinoise de Suisse.
4 sama 6

Dimanche matin, le briefing est à 9h30. J'ai largement le temps de profiter de la piscine de l'hôtel. Oui mais... c'est glacé ! Impossible de faire plus de 2 longueurs. J'abandonne à regret.
On en a pour la matinée au briefing, bien qu'il n'y ait pas de liste de matériel obligatoire à contrôler, ni de contrôle médical. On ne prendra pas ma saturation d’oxygène dans le sang de toute la course. Richard insiste sur l'hygiène des mains, ça a l'air d'être sa hantise d'avoir tout son groupe chopant la diarrhée. Par contre, pas de trace de caisson de recompression, il vaut mieux le savoir.
Je fais connaissance avec Lizzy Hawker, elle a gagné plusieurs fois l'UTMB. Mais elle a une fracture de fatigue depuis un an et demi qui ne guérit pas, et elle ne peut plus courir. Elle fait partie de l'organisation et nous accompagnera en marchant.
5 5 hinang gompa3   

Je fais aussi connaissance des 3 coureurs népalais et 2 népalaises. Certains ont couru avec Bruno Poirier, l'organisateur de l'AMT que j'ai fait il y a 3 ans. A la fin de la course, nous serons tous d'accord, les courses de Bruno sont plus dures que celle de Richard. Elles sont différentes.
Je finalise mon sac pour les porteurs, qui seront en fait des mules. Nous sommes autorisés à 10kg par sac. J'en profite pour courir en confort : une tenue de course par jour, une paire de chaussures spéciale neige en goretex, un petit sac de course pour les étapes chaudes et un plus gros pour les étapes froides, des vêtements chauds normaux, un bon sac de couchage. Quel luxe ! Les autres emmènent tous à manger, pas moi. On ne meurt pas de faim dans les lodges de montagne. Je pèse mon sac : 10,4kg. C'est bon me dit-on.
        5 sama 5 porteuse 

J'ai l'après-midi de libre, je vais rendre visite à Vishnou à Bodanilkanta, dans la banlieue de Katmandou. Le soir, nous allons au resto indien. Puis c'est la dernière nuit dans un bon lit.

Lundi : C'est le départ de bon matin pour une journée de minibus, direction Arughat. Nous prenons la route de Pokhara, on passe un col pour sortir de la vallée de Katmandou, puis nous descendons une belle vallée, bordée de champs de riz en terrasse. C'est la moisson.
Nous faisons un arrêt à Gorkha, où il y a un magnifique temple hindou au sommet d'une colline. Mira, la jeune coureuse népalaise, se fait apposer un tika sur le front, les dieux l'accompagneront pour cette semaine. On a le droit à un sacrifice de coq au temple. Tchac, un coup de sabre et le coq court sans sa tête, le sang gicle partout.
La vue sur les sommets enneigés au loin est prometteuse et magnifique.
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Nous quittons la route pour une bonne piste, serpentant dans les collines, au milieu des champs de riz et de millet. Les buffles bossent dans les champs, les gamins sortent de l'école en uniforme sur le bord de la piste.
Je partage ma petite chambre avec Rachaele, le matelas est minimaliste. Il y a une douche chaude, profitons-en, cela ne va pas durer. Nous sommes à 500m d'altitude, il fait bon pour la soirée. Nous mangeons dehors, des momos, sortent de raviolis à la vapeur.

Mardi : c'est la 1° étape, 24km nous attendent, pour nous mener à 900m d'altitude. Les 400m à grimper correspondent en fait à 1900m de dénivelé positif pour la journée, tellement le chemin monte et descend sans cesse.
Nous avons un solide petit déjeuner : porridge, chapati, omelette. L’organisation nous donne un paquet pique-nique pour le midi à emmener avec nous.
Je pars en short et maillot manches courtes avec un tout petit sac. Je confie mes bâtons aux mules. Les mules portent 4 sacs, soit 40kg, nous avons 15 mules.
10 isa birandra tal 2

Le départ est donné au temple hindou de l'entrée du village . Nous avons le droit à un tika avant d'entreprendre notre voyage, le St Christophe hindou veille sur nous. C'est un point rouge sur le front. On secoue la cloche du temple et c'est parti.
On traverse tout le village, encouragés par les habitants bien qu'il soit encore très tôt. Ça monte déjà.
Nous allons remonter la vallée de la Budhi Gandaki pendant plusieurs jours. Les vallées himalayennes sont gigantesques et très encaissées.
Je me retrouve tout de suite dans un petit groupe avec Jane l'australienne. Nous sommes sur une bonne piste 4x4 pour 10km, heureusement sans circulation.
8 vallée

Je finis par devancer Jane au niveau d'un pont suspendu et je rattrape Rachaele avec ses bâtons, tac tac tac. Mais elle ne court pas quand ça monte, et ça monte, doucement mais sûrement. Je la dépasse donc, car évidemment, moi je cours tout le temps.
J'adore les ponts suspendus. Il est facile d'y courir sur la première moitié, ça descend et la passerelle se balance bien au rythme de la foulée. Ca se corse dans la seconde moitié, ça monte et la foulée ne correspond plus à la fréquence de balancement de la passerelle, il faut se caler dessus. C'est plus compliqué quand il y a foule sur le pont, surtout foule de mules. Les rivières sont toujours impressionnantes vues depuis les ponts.
    12 machakhola rivière

Voilà la fin de la piste qui se poursuit par un chemin. C'est le domaine des convois de mules, il vaut mieux les laisser passer quand elles débarquent.
Les villages se succèdent, hindous dans cette partie de basse altitude. Nous avons un CP aux 2/3 du trajet, avec du jus de citron chaud genre Tang, ça fait du bien. Il fait chaud. J'y rejoins à ma grande surprise Sumitra la népalaise. Quoi, je cours aussi vite qu'une népalaise ? Nous restons un moment ensemble et je finis par la dépasser définitivement. Un coureur essaie de la suivre dans les descentes, c'est peine perdue pour lui. Il n'arrive pas à me suivre non plus.
Le chemin devient très étroit avec un a-pic vertigineux côté rivière. C'est à ce moment que déboule un convoi de mules. Je m'arrête et me plaque côté paroi. Passez passez les mules !

13 mules

J'arrive à Machakhola, village très coloré et arrivée de la première étape. Je suis 15° en 3h38, et 3° Féminine. Pas mal ! Loin devant : Mira la népalaise et Holly l'anglaise. Sumitra arrive 3mn après moi.
Il fait chaud, il est midi. J'en profite pour faire sécher mon maillot et manger le pain tibétain du pique-nique, délicieux pain frit, et l'oeuf dur. Il n'y a plus qu'à attendre les mules qui apportent les affaires.
Je partage de nouveau ma chambre avec Rachaele. Tiens, elle ne fait plus d’exercices.
Nous avons l'après-midi à meubler, de quoi faire plus ample connaissance avec les autres et d'encourager ceux qui arrivent tout au long de la journée. Le dernier groupe marche.
Je vais me détendre les gambettes dans la rivière. Pas chaude la rivière. Mais que ça fait du bien. Puis je vais me baigner dans les tatopani, les sources chaudes, accessibles par un petit sentier scabreux de l'autre côté de la rivière. J'y rejoins Tim l'australien qui fait la sieste et les népalais. La séance photo avec les népalais est obligatoire. On peut à peine mettre la main dans la source tellement elle est chaude, puis ça fait un petit bassin un peu refroidi, et un autre tiède mélangé à l'eau de la rivière. Quelle bonne baignade !
10 day 1 cascade

Les mules sont arrivées quand je retourne au lodge, avec mes affaires de rechange, un Tshirt et un pantalon propres et des chaussettes pour récupérer. Et c'est l'heure du thé, organisation anglaise oblige, avec petits gâteaux. Le soir un repas copieux nous attend, servi dehors car il fait encore chaud.
Cette nuit je dors avec des bouchons d'oreille, non pas pour les ronflements de Rachaele, bien réels d'ailleurs, mais pour le bruit de la rivière, qui gronde très fort.
Francesca, l’anglaise morzinoise, fait son enquête : qui a fait le truc le plus dur ? J'ai la concurrence de Marco l'italien avec la Petite Trotte à Léon. Je suis déclarée gagnante avec la 555.

10 rivière

Mercredi : 2° étape de 39km, la plus longue, pour remonter la vallée jusqu'à Deng, 1900m d'altitude, mais en fait +2000m à parcourir par monts et par vaux.
Je vois Rachaele qui part devant dès le départ. Nous traverserons plusieurs fois la rivière aujourd'hui, en partageant les ponts suspendus avec les porteurs toujours lourdement chargés et les convois de mules. On a une vue splendide sur la rivière depuis les ponts.
11 day 2 rivière

Nous montons progressivement en altitude, et les montagnes environnantes avec nous. Le premier village traversé est Tatopani, mais je ne m'y arrête pas, j'ai déjà profité des petites sources chaudes hier. Celles-ci sont thermalisées. La pause citron chaud est à Jagat, à mi-parcours. J'y rejoins Rachaele. Nous poursuivons notre route ensemble. Après la traversée d'une rivière, le chemin se divise en deux, et nous cherchons les marques roses du balisage. Pas de marques en vue. Heureusement, un muletier arrive avec ses bêtes. Il nous indique la bonne direction. D'autres n'auront pas cette chance et feront quelques km supplémentaires. Je finis par devancer Rachaele car je vais plus vite dans les montées, et ça monte.
11 tatopani

Les villages se succèdent, un coup rive droite, un coup rive gauche, la rivière est plus ou moins fougueuse, parfois tranquille dans son lit plus large. Les villages sont assez gros, toujours hindous, très colorés. On y croise des buffles, de jolis chiens, des petits cochons. Un bébé est dans son papier suspendu en balançoire sous une véranda, il a l'air de s'éclater. Nous croisons ou doublons quelques trekkeurs, beaucoup sont français. Voici le chemin de la Tsum Valley qui grimpe vers le Tibet, que nous laissons sur notre droite.
Je rattrape Sumitra et la double facilement. Je double d'autres coureurs, surtout en descente. Ca y est, ma réputation est faite. "You fly !" Ne fréquente pas les sentiers réunionnais qui veut.
Quelques toits bleus apparaissent au détour d'une rivière. C'est le minuscule village de Deng, à coup sûr. Et un chorten, porte en pierre, m'accueille à l'entrée du village. Ah ! Me voici arrivée chez les bouddhistes.
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J'ai mis 5h46 pour cette longue journée, et je tiens ma place de 3° femme. Reste à attendre les mules et les vêtements chauds, qui arriveront à... 22h ! Longue journée pour les mules !
Je déguste mon pique-nique : pain tibétain et oeuf. Des petits gamins viennent nous voir et ramassent les restes, y compris ceux que certains d'entre nous jettent par terre. Ginie est intolérante au gluten. Pas facile de voyager dans ces conditions. Heureusement, le Népal se nourrit de riz et de pomme de terre. Aujourd'hui elle a droit à un pain au maïs. Il a une drôle de tête et elle me le refile. Il est effectivement bizarre, mais très bon et très bourratif. Je vais me détendre les jambes dans la rivière comme hier. Mais elle est beaucoup plus glacée cette fois et la trempette est rapide. Puis je profite du soleil tant qu'il y en a car il disparaît vite derrière les montagnes, et après le froid s'installe. On se réfugie dans la salle commune, meublée de ... citrouilles. Voilà un aperçu du menu de ce soir. Les sommets enneigés entourent le village de toute part, sans être encore très hauts.
    9 arughat porteurs

Where are the mules ? Elles vont arriver tard avec nos affaires de rechange, donc je me tiens chaud comme je peux. Heureusement j'ai couru en manches longues et collants aujourd'hui, en prévision de cette attente. Le goûter nous ravigote, ainsi que les délicieux chaussons aux pommes au dessert ce soir. Les pommiers sont cultivées en altitude et poussent bien. Nous avons un bon cuisinier qui nous suit, les porteurs portent son matériel, dont sa toque. Heureusement qu'il ne fallait pas attendre les mules ce soir pour manger.
La fenêtre de ma chambre n'est pas étanche du tout, elle surplombe la rivière très fougueuse. Ca fait un boucan d'enfer. Les bouchons d'oreille s'avèrent précieux.

Jeudi : 3° étape de 25km vers Hinang Gompa, un monastère à 3100m. Plus haut que le Piton des Neiges.
Nous continuons de remonter la Budhi Gandaki. Les minuscules villages se succèdent, jalonnés par les chorten et les mani, pierres gravées. Il faut toujours les contourner par la gauche. Hormis les mules, nous croisons des chèvres et des dzo, croisement de vache et de yak, qui sont de toutes petites vaches.
13 day 3 riviere

Je ne ressens pas encore l'effet de l'altitude au niveau essoufflement, et je continue à courir comme d'habitude. Je n'ai toujours pas sorti les bâtons. Cette fois, c'est du jus d'orange chaud qui nous est préparé à Namrung, à mi-parcours. Il est apprécié. Ca y est, je double Sumitra qui part toujours plus vite que moi, mais je finis par la rattraper dans les montées.
Je quitte le chemin principal bordé de beaux sommets tout blancs pour grimper vers le monastère par un petit sentier. C'est une belle grimpette dans les arbres. Je passe une clôture en bois, il y a de l'élevage par là. Puis quelques maisons apparaissent au milieu des champs d'orge. Nous sommes en pleine moisson. Une vieille femme bat les épis à la main. Et voilà l'entrée du monastère. Déjà ? Je le pensais plus loin. J'ai mis 4h10 aujourd'hui, et je suis 12°, et toujours 3° femme. Sumitra puis Francesca arrivent peu après.
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Il y a de la place sur un petit plateau herbacé, et des chaises sont installées sur l'herbe. Nous sommes très bien accueillis par une jeune fille très élégante dans sa robe traditionnelle et qui parle parfaitement anglais. Quelques vieux font tourner leur moulin à prière, et un gamin moine récolte le surplus de nos pique-nique. Et Trévor, beau chien très placide. Le monastère lui-même est un grand bâtiment entouré de moulins à prières. Je suis installée dans une chambrée de 4 avec Rachaele, Francesca, et Ginie. Les matelas sont par terre et nous avons de bonnes couvertures, qui vont renforcer le matelas.
Je me lave dans un ruisseau, c'est frrrroid ! Mais ça fait du bien. Je vais me promener dans le village, d'où on a une magnifique vue sur le glacier qui surplombe la combe. Puis c'est l'heure du thé accompagné de… pomme de terre à l’eau, amenées dans une grande marmite, offertes par hospitalité. Quel délicieux goûter ! Les mules arrivent. Elles se roulent de bonheur dans l'herbe dès qu'elles sont débâtées.
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Je vais assister aux prières des moines dans le monastère. Ils psalmodient les textes sacrés, et donnent un coup de gong de temps en temps. Puis viennent les offrandes à base de riz et d'orge. Les vieilles femmes me font une place à côté d'elles et Mireille me rejoint. Mireille fait la course en marchant, avec sa copine Sonia, qui souffre du genou. C'est difficile pour elle, mais elle ira vaillamment jusqu'au bout. L'ambiance du site est très calme et sereine, c'est envoûtant.
Le soir les moines dansent autour d'un feu dans leur grande robe pour accompagner un défunt d'il y a 3 jours dans sa réincarnation. La danse est très lente, en tournant avec de grands gestes. C'est féérique. Tout ça alors qu'il fait près de 0°C.
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Vendredi : Il n'y a pas de poules au monastères, donc pas d'omelette au p'tit déj. On se passera de protéines pour aujourd’hui, ce qui ne me gêne pas.
La journée commence par des dons au monastère, des lampes solaires et Sonia offre un ordinateur. Nous sommes tous remerciés avec le traditionnel khata.
Puis démarre la 4° étape de 21km un peu spéciale, qui va nous mener à Samagaong, gros village à 3500m d'altitude, avec une montée à 4000m. Je verrai bien jusqu'où je peux courir, mais toujours sans bâtons.
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Nous redescendons de la hauteur du monastère vers la vallée de la Budhi Gandaki. Le chemin serpente dans la forêt, et je cherche les singes, mais je n'en verrai pas. Ils sont pourtant là, et pas discrets. Je traverse plusieurs petits villages, de nouveaux lodges sont en construction. Et soudain le majestueux Manaslu apparaît devant moi. A 8100m de haut, il y en a encore plus de 4500m au-dessus de ma petite tête ! On ne peut pas le louper avec sa forme de M, et aucun doute, c'est le plus haut. Ca vaut le coup de courir le nez en l'air pour admirer ça.
Au 2/3 du parcours, nous quittons la « nationale » pour une grimpette vers le monastère de Pung Gyen à 4000m d'altitude par un petit sentier bien raide. Ca monte dans de gros cailloux genre moraine, le glacier est juste de l'autre côté du torrent. D'ailleurs juste devant moi Fabien s'est fourvoyé et semble emprunter le torrent au lieu du sentier. Il a l'air bien coincé. Puis j'arrive sur un petit plateau au pied de la neige, j'y cours sans problème, c'est bien à cette altitude ! Il y a quelques maisons. C'est le monastère. Il n'est pas habité mais sert de lieu de méditation occasionnellement.
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Et le chrono s'y arrête, tout comme moi. Il sera redéclenché pour la descente. Chouette principe, on peut rester au pied du Manaslu autant de temps qu'on veut pour l'admirer. Car on en est vraiment tout près, il est juste au-dessus le petit. Et qui est là aussi ? Le placide chien Trévor !
Les népalais redescendent tout de suite car ils craignent l'apparition du mal des montagnes. Cela me donne l’occasion de les voir courir, et je me pousse pour les laisser descendre dare-dare. Je profite du paysage une petite heure avant de repartir. Je redescends vers la vallée et poursuis le chemin jusqu'à Sama, je double les espagnols au passage. C'est vraiment un gros village, et je le traverse sur toute sa longueur, notre lodge est à la sortie.
J'ai mis 4h05, hors arrêt au Pung Gyen Gompa, et je suis 11° et toujours 3° femme, Francesca me suit.
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Le lodge a un toit-terrasse face au Manaslu, très agréable pour le pique-nique tant que le soleil est là. Je suis dans une chambre de 3 avec Rachaele et Francesca, entourée d'anglaises ! Qui parlent très bien français. La chambre est à côté de celle des porteurs, il y font leur cuisine, c'est très bruyant.
Je vais me balader du côté du monastère de Sama en fin d'après-midi, après que les mules aient apporté mes vêtements chauds. Dhir a l’air soucieux, une des mules traîne et ralentit le convoi.
C'est l'anniversaire de José l'espagnol aujourd'hui. Notre super cuistot a concocté un énorme gâteau au chocolat, un vrai délice. Comment a-t-il fait avec si peu de moyens ?
Les népalais me demandent mon âge, mes 50 ans les épatent. Mira appelle toutes les filles sister, au moins elle n'a pas à retenir nos prénoms.
15 isa repas

Nous restons 2 jours à Sama, en acclimatation à l'altitude. Demain nous faisons un aller-retour au camp de base du Manaslu à 4300m. Nous n'aurons pas à attendre les mules après, quel confort d'avoir ses petites affaires pour toute la journée !

Samedi : 5° étape avec 11 tous petits km, une grimpette au camp de base du Manaslu, du moins jusqu'à ce que la neige nous permet. C'est le même système qu'hier : le chrono compte la montée et la descente et est arrêté en haut, on y reste le temps qu'on veut. Je prend le risque de ne pas m'encombrer des bâtons, on verra bien si c’est dur.
Tous les matins je me prépare une gourde souple de thé au miel que je sirote en courant. Je préfère ça aux produits diététiques de course. Je fais des émules.
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Je pars assez vite sur la petite portion plate, ce qui n'est pas dans mes habitudes. Nous sommes au soleil et il ne fait pas très froid, mais l'air est glacé dans mes poumons et pas bien riche en oxygène. L'impression de brûlure intérieure est immédiate et très désagréable, et j'ahane tant que je peux, mais je tiens bon. Voilà la montée qui s'annonce rude, d'abord dans des espèces de grandes marches, puis sur un sentier qui serpente et qui est bien raide. C'est l'altitude qui limite la vitesse d'ascension, le souffle est court. J'en double tout de même pas mal à ce petit exercice, genre km vertical, c'est juste un peu plus haut que d'habitude. Fabien essaie de me suivre, vainement. Nous surplombons un magnifique lac tout bleu, qui était bien planqué. Puis c'est le passage dans la neige qui arrive. Elle est profonde à certains endroits, je suis les traces plus ou moins à 4 pattes parfois. Mince, je n'ai pas pris de gants, mais je ne sens pas le froid. Je croise les népalais qui redescendent déjà, je leur laisse le passage, Mira est aussi à 4 pattes. Elle est juste beaucoup plus rapide que moi.
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Nous nous arrêtons 100m plus bas que le camp de base, il y a vraiment trop de neige après. Je fais un arrêt d'une heure en haut, pour admirer le Manaslu et son M, et les glaciers sur ses pentes. Je ne m'en lasse pas. Nous sommes pas mal à être arrivés maintenant, c'est sympa de se retrouver tous là-haut. Vroum, un bruit de tonnerre se déclenche, c'est une petite coulée de neige qui dévale du glacier. C'est impressionnant pour la petite réunionnaise que je suis, peu habituée à ça.
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Je redescends du camp de base peu après Francesca. Et si je la rattrapais ? En voilà une bonne idée. Passée la zone de neige où je ne suis pas particulièrement à l'aise pour aller vite, je la vois devant et je me rapproche d'elle progressivement. Je croise les marcheuses, salut Mireille ! Elle est contente de me voir en plein effort et m'encourage. On ne se voit jamais sur la course. Ca y est, je double Francesca dans la partie raide, très technique. Je surplombe le lac et la vallée. Le panorama s'étale à mes pieds et je peux l'admirer tout en restant concentrée sur mes pieds justement. Et ça vaut mieux vu la pente. J'arrive rapidement aux "marches", c'est plus facile et j'accélère. Je rejoins déjà le chemin principal qui mène au village, en retrouvant la circulation locale : les porteuses de bois et les yaks.
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J'ai mis 2h tout rond en tout, 1h20 à la montée et 40 mn à la descente, exactement le double d'Upendra à la montée comme à la descente, le népalais qui caracole en tête de la course. Voilà qui me place 11° maintenant au classement général de la course, et qui conforte ma 3° place des féminines.
Il y a un chauffe-eau solaire sur une des douches au lodge. Voilà qui me permet de prendre une bonne douche... froide au lieu de glacée. J'en profite à max, surtout que ma serviette n'est pas sur le dos de la mule. Les jours précédents je m'essuyais de ma toilette de chat avec ma casquette.
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J'ai tout l'après-midi pour me balader dans le village. C'est vraiment un gros village, avec une grande école et un dispensaire. C'est samedi et c'est le jour de repos au Népal, tous les enfants jouent dehors. Les femmes font la lessive dans le ruisseau qui traverse le village et où je ne pourrai pas mettre les mains plus de 5mn tellement l'eau est froide. Ca papote ferme. Elles remplissent d'énormes jerricans d'eau au robinet public et les ramènent chez elles en les portant comme les hottes, dans le dos accrochés au front. Les maisons sont en pierre, l'habitation est à l'étage avec une petite véranda devant sans rambarde avec une échelle sommaire pour y grimper, les enfants y gambadent, les jeunes yaks sont dans la cour. Un groupe de jeunes filles ramènent du bois dans leur grand panier accroché au front en rigolant. Combien de kg elles portent ? 30, 40 ? Beaucoup en tout cas. Il faut faire provision de bois pour l'hiver qui approche. Nos porteurs ont moins de travail aujourd’hui, ils jouent au volley au milieu de la route.
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Voilà le soleil qui disparaît derrière les montagnes, vers 15h, et la température baisse d'un bon cran immédiatement. C'est le moment de profiter de mon bouquin que les mules portent depuis le départ, puisqu'on n'a pas à les attendre aujourd'hui, et de profiter des autres coureurs, qui sont tous passionnants. Dhir, l'organisateur népalais qui nous accompagne, parle parfaitement le français et plein d'autres langues. L'équipe des morzinoises m'encourage tous les jours, j'ai un fameux fan club. Il y a accès à internet à Sama, mais la connexion est capricieuse, c'est le grand sujet de tous ceux qui se baladent avec leur téléphone, c’est-à-dire presque tout le monde. Ah que je suis bien sans avoir à m'en préoccuper ! Ca fait de vraies vacances. Ce soir c’est menu de roi : nous avons droit à un dahl baat, riz – lentilles, avec de la viande de yak. C’est délicieux.
Les journées à l'acclimatation à la haute d'altitude s'enchaînent. L'étape de demain ne fait que 8km et nous mènera à Samdo, à 3800m.
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Dimanche : 6° étape. Mais la journée ne débute pas ordinairement. Richard et Dhir organisent une course pour les enfants de l'école, 1km pour traverser le village. Super ! Je me place un peu avant l'arrivée pour encourager les gamins, là où c'est le plus dur, où il faut tenir jusqu'au bout. Les voilà ! Un dossard accroché au thorax, les premiers déboulent, les derniers marchent, et bien sûr ils ont tous des encouragements. Pas de tenue de sport pour l'occasion, ils sont en uniforme de l'école. Ils auront tous un livre à l'arrivée, amenés de Californie par Angela et Doug. Ils auront de quoi apprendre l'anglais, nécessaire dans une région touristique.
D'ailleurs c'est l'anniversaire de Doug aujourd'hui.
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La journée atypique se poursuit. Nous montons en mode rando au lac Birandra, le lac que nous avons surplombé hier. On y reste le temps de l'admirer, alimenté par les glaciers. Les berges sont très minérales. C'est de toute beauté. C'est là qu'est donné le départ de la courte étape du jour. Nous sommes applaudis par les quelques touristes marcheurs qui sont présents. Nous partons en descente. Je pars vite, trop vite. Nous sommes tout de même à 3600m, et même en descente, je sens immédiatement le manque d'oxygène. Mais je ne veux pas ralentir, et je souffle très fort, oh que c'est dur, j'ai les poumons qui sifflent. Je suis quand même obligée de lever le pied avant d'arriver en bas, et quelques gars me doublent. Je rejoins le grand chemin vers Samdo, qui monte doucement. Je croise tous les villageois qui ramènent du bois, et les yaks aussi. On remonte toujours la rivière, les rives sont un peu boisées. C'est là que les gens viennent chercher le bois. Ca leur fait une bonne trotte à porter. J'entends régulièrement les bâtons de Francesca derrière moi, puis je ne les entends plus, puis je les entends de nouveau, comme ça jusqu'au pied de la dernière grosse côte qui mène au village, en fonction du profil du terrain. Elle me talonne ! C'est maintenant la dernière grimpette à 3800m et je la sème. J'ai mis 1h10 pour faire 8km ! Et je n’ai pas eu l’impression de chômer ! Les écarts entre les coureurs sont évidemment très variables suivant les étapes. Par rapport à moi, cela va de 10mn sur le 39km et 1mn sur le 8km.
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Dhir installe les filles dans un petit lodge à part, je partage de nouveau ma chambre avec Rachaele et Francesca. Nous sommes au calme. L'après-midi nous partons avec Dhir visiter le village, habité par des réfugiés tibétains. Le Tibet n'est pas loin. Les villageois tiennent réunion pour décider de la prochaine descente plus bas dans la vallée avec l'arrivée de l'hiver. Ils sont assis par terre dehors le long du chemin, hommes et femmes, et la discussion est animée. Nous visitons le petit monastère, puis une maison. La viande de yak qui sèche et la réserve de pomme de terre sont précieuses, ainsi que la bouse de yak qui sert de combustible. L'habitation est au-dessus des étables des yaks. La maison est cossue, il y a 2 pièces : l'une est réservée aux prières et offrandes à Bouddha, l'autre est la seule pièce à vivre : cuisine, salle à manger, chambre pour toute la famille. Le foyer est au milieu, il n'y a pas de cheminée, l'intérieur est enfumé et noir de suie. Il y a tout ce qu'il faut pour traiter le lait des yaks, pour faire du fromage et du beurre. Nous visitons une autre maison, plus simple, il n'y a qu'une pièce, Bouddha est avec la famille. Le bébé joue à côté du feu.
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En fin d'après-midi le froid arrive. Je me réfugie dans la maison de ma logeuse. C'est agréable près du feu avec un bon thé. Le cuistot s'est encore surpassé ce soir pour le gâteau d'anniversaire de Doug. Avec le froid j'ai le nez qui coule et ça m'empêche de bien dormir. Il n'y a pas que les ronflements de Rachaele qui meublent cette nuit.
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Lundi : étape d'acclimatation en rando, non chronométrée. Chacun choisit en fonction de sa forme : montée à 5000m au col de la frontière tibétaine, ou balade au-dessus du village, ou repos. J'opte pour le Tibet, avec les bâtons cette fois, les chaussures en goretex et les guêtres. La panoplie totale neige. Les mules ne me les ont pas portés pour rien. Nous partons en groupe avec Lizzy. Je ne l’ai pas vue beaucoup jusqu’ici, il est vrai qu'elle est avec les marcheurs. La balade du jour fait 20 km. Nous traversons quelques névés dès la sortie du village, puis le chemin monte doucement parmi les alpages des yaks. L'herbe est plutôt marron que verte. Quelques drapeaux à prières jalonnent le sentier, entrecoupé de névés. Nous traversons la rivière, puis nous montons tout droit dans la neige vers le col. Un petit troupeau de yak se balade seul en direction du Tibet. Puis un monsieur sur sa mule, qui fait l'aller-retour. Ca y est, j'arrive au col de Lajyang, à 5000m, doucement. Il y a une borne qui marque la frontière : Népal / Chine. Le village tibétain est un peu en-dessous, on ne le voit pas. C'est là qu'est le poste frontière chinois. La vue est splendide, avec les chaînes de montagnes tibétaines toutes blanches au fond. Contrairement au Népal, il n'y a pas de sommet qui s'en détache, il n'y a pas de 8000m. Les sommets autour du col sont à 5500m, donc tout près juste au-dessus de ma tête. Un petit pique-nique en haut avant le retour. Les yaks ont la même idée. Sont-ils népalais ou tibétains ? Je les laisse passer, ils ont tout de même des cornes impressionnantes, et ils me montrent la trace la plus facile dans la neige. Du moment que je retrouve le petit pont qui franchit la rivière, après le sentier est bien visible, car je redescends seule. Le chemin est agréable et facile dans ce sens. J'aperçois déjà le village. Mais le soleil disparaît derrière les sommets et le froid arrive. Je garde mon coupe-vent sans mettre ma veste, je suis presque arrivée. Grosse erreur, la toux m'attrape illico. Manquait plus que ça. En plus je rallonge sans le vouloir pour arriver au village à cause de la neige, je ne suis pas passée par le plus court.
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Je pose la main sur la poignée de ma chambre et je chope un mal de tête. Ben tiens, le mal des montagnes qui débarque en plus. J'y ai fait gaffe en montant à 5000m, mais je ne m'y attendais pas en redescendant, puisqu'il faut toujours dormir plus bas que l'altitude maximale à laquelle on est monté dans la journée. Je me réchauffe d'abord, et je prépare un Paracétamol, confirmé par le médecin. Le mal de tête passe rapidement et je n'entendrai plus parler du mal des montagnes. Pour moi du moins, car j'apprends que Ginie a été évacuée en hélico sur Katmandou pour rentrer en Suisse le plus rapidement possible. Ca me fait un choc. Elle avait une sale tête ce matin et se plaignait de respirer très difficilement, mais je n'avais pas spécialement remarqué si son visage était gonflé, alors que je faisais bien attention pour moi car c'est un symptôme du MAM. En y repensant après, oui son visage était gonflé et elle avait les lèvres bleues. L'organisation n'a pas de caisson de recompression, je pense que c'est un tort. Nous avons appris par la suite que Ginie a fait un oedème pulmonaire, ce qui est grave. Elle s'en est bien remise en Suisse.
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Mardi : nous passons le Larkya La, col à 5100m qui nous fait changer de vallée et nous mène de la face est à la face nord du Manaslu. Cette étape est en rando, non chronométrée. Dommage, j'aurai bien aimé, au moins la descente, mais l'organisation préfère la sécurité par rapport au mal des montagnes, ce qui est compréhensible. Nous partons à 5h, de nuit. Du coup le petit déjeuner est plus simple, sans oeufs, et nous avons le droit à de la tsampa, bouillie d'orge. Ce n'est pas mauvais, pas pire que le porridge. Je n'avais pas prévu de marcher de nuit et je n'ai pas une lampe très performante, sachant que je n'y vois guère la nuit, avec ma vue perçante. Tout est gelé à cette heure matinale, notamment autour des robinets d'eau dehors dans le village. Moi qui n'ai pas l'habitude des bâtons, je comprends vite qu'il ne faut pas les mettre sur la glace, ça glisse ! Nous traversons à gué un petite ruisseau, gelé en surface. Je mets évidemment un pied dans l'eau, bien qu'un charmant népalais me tende la main. Fichtre, c'est froid. J'aurai donc un pied froid pendant un bout de temps. On fera avec. D'ailleurs le jour se lève déjà, toujours splendide en haute montagne. Je fais route avec Eric le belge et son genou mal en point, aujourd'hui nous marchons à la même vitesse, tranquille.
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Oui, tout gèle, y compris l'eau dans le tuyau de la poche à eau. Mince ! Il faut boire à cette altitude pourtant. Je machouille mon tuyau pour faire fondre la glace, et je finis par réussir à aspirer des cristaux. C'est mieux que rien. Je suis ignare en matière de gestion d'un tel froid.
Avec le soleil, ça commence à chauffer. Je me déshabille, grosse veste, bonnet, gants. Je garde le surpantalon étanche puisque nous progressons dans la neige. Mais mon tuyau reste encore gelé pour un bout de temps.
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Nous voilà déjà à Larkya Phedi, dernier refuge avant le col. Les marcheurs normaux y dorment, mais pas les coureurs que nous sommes. Ils sont aussi partis tôt, et nous commençons à les rattraper. Avec les grosses tombées exceptionnelles de neige d'il y a un mois, l'accès au col est très enneigé pour la saison. Mais la trace est bien faite et les bâtons aident bien. Eric et moi avançons sans problème, la montée est régulière. Nous sommes ralentis par des marcheurs lambins pas faciles à doubler car il n'y a qu'une trace, certains ont l'air de souffrir le martyr. Allez, on double. Ca y est, nous voici au col, le Larkya La à 5100m, entourés de drapeaux à prières. Les sommets les plus proches sont très proches, ce sont des 6000m. Les 7000m sont plus loin. On ne voit pas le Manaslu et ses 8000m. Lizzy nous attend et nous propose une gorgée de rhum népalais. C'est gentil, mais non merci. On ne s'arrête pas longtemps en haut, pas question que le mal des montagnes nous rattrape.
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Je chausse les crampons pour la descente. Si je ne suis pas une spécialiste des grands froids, je ne suis pas non plus une spécialiste de la neige et c'est le première fois que je cramponne. Ma foi, ça accroche très bien. Crampons + bâtons, allons allons !
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C'est une longue descente qui m'attend jusqu'à Bimtang, 3500m d'altitude. Il paraît qu'il faut marcher les jambes écartées avec les crampons mais je dois le faire naturellement car je n'ai pas à y penser, et je ne m’emmêle pas les pieds. Oui, ça accroche vraiment bien, je n'ai qu'à me laisser porter dans la descente enneigée avec le support des bâtons, je descends tout droit. C'est raide. La nouvelle vallée est superbe et je longe un glacier. Je double quelques personnes sans crampons, qui marchent péniblement en crabe. Je rattrape nos népalais, Upendra et Sumitra n'ont qu'une paire pour deux. Je leur propose mes bâtons mais ils n'en veulent pas. Peut-être en essayant chacun un côté de crampons?
J'arrive déjà à la fin de la neige, je garde encore un peu les crampons tellement ça tient bien même dans les cailloux. On fait une pause pique-nique avec Éric à la fin de la partie raide de la descente. La suite est une balade fort agréable. Je croise un groupe de français qui me propose une tasse de thé. J'aperçois les toits bleus du village. Le Manaslu réapparaît, il a complètement changé. Il n'a plus sa forme de M si caractéristique, mais il reste le plus haut, si majestueux.
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J'ai le temps d'aller me "baigner" dans le ruisseau qui longe ma chambre. C'est glagla, j'ai les pieds nus dans la neige. Je fais une courte sieste, réveillée par le froid. Ce ne sont pas les mules que nous attendons aujourd'hui mais des porteurs. Les mules ne passent pas la neige. Un porteur porte 30kg, soit 3 de nos sacs. Normal qu'ils aillent moins vite que nous ! Je les trouve bien équipés en vêtements chauds et étanches, bonnes chaussures et crampons. C'est loin d'être le cas de tous les porteurs. Dhir fait bien son boulot. De nouvelles mules reprendront le relais demain. Il existe une ONG à Katmandou qui forme et équipe les porteurs, pour éviter les abus et les préserver du MAM.
Justement demain, c'est la dernière étape, 24km de descente jusqu'à 1800m. Le chrono reprend du service.
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Mercredi : Le départ de Bimtang est dans la froidure. Je pars avec mon coupe-vent et je vais le garder toute la matinée car nous serons à l’ombre tout le temps. Nous longeons une nouvelle rivière en descente, qui va grossir au fur et à mesure. Au revoir Manaslu, je ne te reverrai plus. La partie haute de la vallée est peu habitée, quelques maisons isolées transformées en lodge.
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Le début du parcours est technique, ça descend bien. Sumitra a déjà filé devant. Je ne suis pas si à l'aise que ça et Jane l'australienne qui est bonne descendeuse est devant. Je la rattrape au CP où je ne m'arrête pas, je ne profite pas du jus d’orange.
Je rejoins aussi Ian au ravito. Il est juste devant moi au classement général. Si je distance Jane assez rapidement, je reste avec Ian jusqu'à l'arrivée finale. Il monte plus vite que moi, car il y a toujours quelques montées, je descends plus vite que lui, et nous allons à la même vitesse quand c'est à peu près plat.
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J'arrive dans un gros village. Le dernier ? Non ce n'est pas possible, Darhapani est à l'intersection de deux vallées. Celle où je suis est encore trop encaissée. Quel beau village, très coloré, un des derniers de mon périple. Je continue vaillamment vers l'arrivée, ça sent la fin. José l'espagnol me rattrape et me double. Il a des ailes ma parole, lui aussi sent la fin. Je vois maintenant la vallée de Manang qui se rapproche, c'est le circuit du tour des Annapurnas. Je traverse la rivière, pont suspendu oblige, Ian est plus rapide et part devant. Ça y est, je suis à Darhapani. Mince, un troupeau de vaches en train de boire me barre la route, je m'arrête, jauge les cornes, et me fraie un chemin au milieu. Je traverse le village avant de franchir la dernière passerelle, et c'est l'arrivée.
J’ai mis 3h, et je suis 17° de l’étape et 4° femme, Sumitra est arrivée 1mn avant moi. Il y en a qui en avait gardé sous le pied ma parole ! J’ai été très régulière sur toutes les étapes. Je n'ai pas à m'habituer ni à la montagne ni à la chaleur par rapport aux autres, et les après-midi de récup me suffisent pour le lendemain par rapport à mon rythme.
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Je savoure un bol de soupe aux nouilles le temps que tout le monde arrive. La route, piste 4x4, passe à Darhapani. Nous redescendons toute la vallée en 4x4, ce qui prendra l'après-midi. Il y a des passages impressionnants et le paysage est superbe. C'est une autre façon de l'admirer. Des cascades, des villages près de la rivière ou haut perchés, des cultures en terrasse.
Le soir nous sommes en ville dans un bon hôtel avec une bonne Everest, la bière népalaise. J’en profite pour laisser aux porteurs quelques vêtements chauds, ils en ont plus besoin que moi.

Le lendemain, c’est le retour à Katmandou en bus, ce qui nous prend la journée.
Encore un gâteau d’anniversaire au repas de clôture ! C’est celui de Gary l’australien cette fois. Un gros gâteau aux fraises… encore congelées. Au moins, il y a de l’électricité à Katmandou.
Je termine 11° au classement général en 24h28, et 3° féminine, 3h30 derrière Holly qui est deuxième et 2h devant Francesca qui est quatrième. Les népalais sont toujours baba de mes 50 balais ! Les récompenses sont bizarrement attribuées, et ne vont pas jusqu’à la 3° féminine. Ce sera pour l’année prochaine, promet Richard. Je dois revenir alors.
45-pont.jpgJe reprends l’avion le lendemain à minuit, juste de quoi faire la parfaite touriste une journée. Comme Katmandou est polluée après une semaine himalayenne ! Je préfère aller marcher dans les collines environnantes parsemées de beaux temples hindous. Histoire de faire une étape de plus !

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commentaires

L
magnifique photo sur le trek aventure au Népal, grand merci de nous partage ça nous fait rêve mais j image c est très difficile
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N
Bravo, superbe blog, votre carnet du trek est tres util avec belle photos , en tout case grand merci
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