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22 juillet 2015 3 22 /07 /juillet /2015 19:04

Kouzouzanpola ! Bonjour !

Je n'ai pas envie de quitter l'Himalaya, mais je change de coin. Après le Népal, direction le royaume du Bouthan. Un avion pour Maurice, un avion pour Dehli, et un avion pour Paro. Avec une belle vue sur l'Everest au passage.

J'y suis !

L'atterrissage est spectaculaire, entre les montagnes. Je comprends la petite taille de l'avion. On est descendu en faisant plusieurs 360, impressionnant.

Mon guide bouthanais m'attend, vêtu du gho, l'habit traditionnel, sorte de robe de chambe. Il va me chaperonner avant la course, pour une petite semaine de rando.

Je découvre le magnifique dzong de Paro, le château fort. Toutes les maisons sont genre chalet des Alpes, avec les boiseries peintes. Paro est dans une vallée, surmontée de petites montagnes rondes et boisées. Ça fait vraiment penser aux Alpes, sauf que c'est plus haut et qu'on est dans les rizières. Paro est à 2100 m d'altitude.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

Rappelons le principe d'un séjour au Bouthan : tu paies 250 $ par jour. Cela comprend le guide obligatoire, l'hébergement en hôtel *** max, le transport, les repas. C'est le même prix si tu campes.

Me voilà partie pour 4 jours de rando dans la Haa Valley, avec passage d'un col à 4000 m d'altitude et des balades entre 3000 et 3500m. Ca fait une bonne acclimatation pour la suite. Je loge dans une ferme, impeccable pour découvrir les gens et les modes de vie, et le bouddhisme au quotidien.

J'ai la chance de voir le premier jour le sommet du Jomolhari, point culminant du Bouthan à 7326m. En cette période de prémousson, l'Himalaya est dans les nuages.

Nous sommes déjà vendredi 29 mai, je vais rejoindre l'organisation de la course à Timphu, la capitale.

Je retrouve les autres coureurs à l'hôtel. Les choses sérieuses vont commencer.

Bouthan, the last secret, est une course de 200km en 6 étapes, de 15 à 50 km, avec une altitude maximale de 3800m. Elle est organisée par Global Limits et Stefan, allemand, est le patron. Le gîte et les repas sont prévus, donc nous n'avons pas de gros sac à porter.

Mo le saoudien me tombe dans les bras. Il était dans ma tente au Gobimarch il y a 3 ans. Il m'a amené une énorme boîte de dattes d'Arabie Saoudite spécialement pour moi !

J'arrive juste pour mettre les pieds sous la table, excellente occasion de faire connaissance avec les autres. Je suis à table avec des australiens.

On me dit qu'on m'a déjà vue. Mais où et quand ? A Mada en septembre dernier ! Plusieurs coureurs y étaient et m'ont reconnue. Je n'ai reconnu personne. La finlandaise Satu aussi me reconnaît, de Mada. Je suis une vedette ? Je me souviens des nationalités, îles Caïman, Guyana, Finlande, mais pas des têtes ni des noms.

En fait pas mal de coureurs présents courent avec Racing the Planet, et certains en ont marre du sac lourd de l'autosuffisance et se tournent vers les courses de Global Limits.

Je fais la connaissance de ma coturne, Lesley, de Nouvelle Zélande. Nous sommes dans la même tranche d'âge.

Vérification des sacs. J'ai mal traduit lighter. J'ai cru que c'était une lampe et c'est un briquet, le truc qui ne sert à rien. Mo me prête le sien le temps du contrôle. Les dossards n'ont pas de n°, juste les prénoms. Ça va bien m'aider à retenir tous ces prénoms anglais et chinois.

Nous sommes 36 coureurs, 14 nationalités. Je suis la seule française et la seule francophone.

J'ai le temps de faire du tourisme et mon fidèle guide étant toujours la, il m'emmène dans un centre de protection des takins. C'est une grosse chèvre qui ressemble à un bœuf et qui vit en altitude, très rare. Et très moche. Ils sont soignés à Timphu. Puis direction une nonnerie (couvent). Ces dames sont en robe rouge comme les moines, tête rasée comme les moines et psalmodient comme les moines. Elles distribuent à manger et Il y a un monde fou. Elles ont du succès. Puis visite du dzong, le château fort qui protégeait la vallée des tibétains. Aujourd'hui il abrite les chefs gouvernementaux et religieux de la province. Il y a donc un temple à l'intérieur. C'est énorme, et très beau.

L'heure du briefing arrive. Nous avons 2 médecins américaines et un reporter du New York Times.

Départ le lendemain matin avec nos affaires de course, un petit sac pour courir et un autre pour la nuit, qui ne doit pas dépasser 8kg. Du moins c'est ce que j'ai compris. Outre le sac de couchage et les vêtements chauds du soir, je peux profiter d'affaires de rechange. Je crains la pluie.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

Nous voilà partis pour une demi journée de bus vers Punakha, départ de la course. La route est bonne jusqu'au col de Dochula à 3200m, où nous arrivons dans un épais brouillard. Il fait frisquet, avant que la pluie s'annonce pour de bon. Il y a 108 petits chorten au col. C'est magique dans la brume. On est sensé avoir une superbe vue sur l'Himalaya. Il faudra repasser. On repart pour la descente vers la vallée de Punakha. La route est nettement moins bonne, nids de poule et boue sous une bonne averse. On déjeune à midi à Lobesa, où se trouve le temple de Lhakhang, le temple de la fécondité. Spécialité du coin : les phallus, en érection tant qu'à faire. Il y en a peints sur toutes les maisons. Outre la fécondité, cela amène la puissance et éloigne les démons.

Nous sommes au milieu des rizières, dans la vallée. Il fait beau maintenant et chaud, Punakha est à 1200m d'altitude. C'est bas.

Nous traversons la rivière et le dzong apparaît sur une île. Il est magnifique. Une belle forteresse, style bouthanais. Nous allons le visiter, c'est là que sera donné le départ de la course demain matin. Quel cadre ! Il faut se couvrir bras et jambes et enlever tout chapeau pour entrer et nos 2 coureurs bouthanais doivent porter le gho, la robe de chambre traditionnelle.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

Le campement est un peu en amont, le long de la rivière. Je partage ma tante avec Lesley. Je tente une baignade. C'est froid, je n'y mettrai que les jambes.

On a l'après-midi pour continuer à faire connaissance avec les autres coureurs.

On a le droit à un goûter, thé et petits gâteaux. Puis briefing. Puis le repas du soir à 18h, bouthanais évidemment, l'équipe de cuistot est locale. C'est tôt ! Ce sera le régime de la semaine. au menu : riz rouge et piment dans une sauce au fromage, c'est la base. On rajoute des brèdes et de la viande de bœuf.

Il a plu pendant la nuit, douce berceuse sous la tente en plus de la rivière, rivière toute grise. Ce matin, de la brume monte de l'eau, on se croirait en Écosse. Nous sommes dimanche.

Le ptit déj est anglo saxon : œufs, espèce de viande indéterminée. On échappe au riz rouge - piment - fromage. Il y a du miel, je me prends du thé au miel pour la course, énergétique.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

L'étape du jour fait 31 km, et on va monter à 2700m. Il ne devrait pas faire froid, je suis en short et maillot manches courtes. J'ai mes chaussettes de compression pour mieux récupérer pour enchaîner les étapes.

Le bus nous emmène au dzong. Et ô surprise, 600 lycéens en survêtement, tous le même, nous accueillent et nous font une haie d'honneur sur le pont menant à l'entrée du château. C'est émouvant. Nous nous regroupons sur les marchés du dzong, et les jeunes chantent l'hymne du Bouthan. Oui, c'est émouvant. Un petit tour aux toilettes du dzong s'impose avant le départ, ce sont des toilettes à la chinoise : un petit muret à la hauteur de la taille sépare des petits box sans porte et une rigole "collecte" les besoins. Mais c'est très propre. Puis nous allons au milieu du pont où est donné le départ. Moment de silence, le lama du temple du dzong nous bénit. Il est 8h, c'est parti.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

Avec la pluie de la nuit, les dalles de pierre du pont sont glissantes, prudence. Mo part tout de suite devant, et à ma grande surprise, je suis juste derrière. Marathonien, il est rapide et disparaît vite devant. Nous suivons la rivière vers l'aval sur la route sur 5 km avant de la traverser et de la remonter sur l'autre rive. Avant le pont, William l'irlandais me double, puis Chris le canadien, Scott l'australien, et Tom. Enfin Marcia, la petite américaine chinoise de Hong Kong. Elle va vite, je ne la suis pas. Il n'y a aucune circulation sur la route et c'est agréable.

A la sortie du pont Stefan m'encourage et je lui réponds au lieu de regarder mes pieds et je bute sur une aspérité de la route. Mince, ça me lance dans le genou. Ça commence bien. Je fais comme si je ne sens rien et je continue. Nous sommes maintenant sur une petite route. Marcia s'éloigne devant et finit par disparaître. Une petite montée vers un magnifique pont suspendu comme je les aime. Celui-là est très long, c'est le plus long du Bouthan.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

Premier ravito où je ne m'arrête pas, il n'y a que de l'eau aux ravitos et j'en ai assez. Les filles de l'organisation m'encouragent. On continue sur un petit sentier qui ramène au dzong. Je fonce droit vers l'autre pont, celui du départ tellement il est beau, je repasserai bien dessus. Erreur, les marques oranges nous font tourner à droite dans un autre sentier. Tom me rattrape à temps. Ouvrons les yeux ! J'arrive à une barrière. C'est l'entrée de la ferme du roi que nous allons traverser. Les bâtiments de la ferme sont évidemment de style bouthanais. Les pâtures sont bien grasses pour les vaches. Je suis toujours avec Tom. Nous arrivons à un village, le sentier descend vers les rizières, il y a un peu de boue. Je largue Tom. Et je serai seule jusqu'à l'arrivée.

Je longe toujours la rivière. Ah, un autre pont suspendu, plus petit et plein de drapeaux à prières, avant d'atteindre le ravito où je ne m'arrête toujours pas, et j'attaque la montée. Je quitte définitivement la vallée. C'est une piste 4x4 qui s'élève dans la montagne pendant 10 km. La pente est d'abord faible après une petite montée. Ça se corse au bout de 5km et j'alterne course et marche. Je traverse un petit village, toujours splendide, je suis dans les pâturages, quelques maisons isolées. Une petite pluie arrive, et j'aperçois un toit jaune, signe distinctif d'un temple. C'est le monastère de Nyingpo, terme du jour.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

J'ai mis 3h 45, et je suis donc 2° féminine derrière Marcia, qui me met la bagatelle de 20 mn ! Chloe la canadienne arrive 4 mn après moi. Et je suis 6° au scratch. Pas mal comme début !

Les tentes sont installées dans le jardin du monastère, sur de la bonne herbe. Important, j'ai un mince matelas, un tapis de sol.

Je prends une douche tout de suite avant d'avoir froid. C'est un robinet d'eau, sous une bonne pluie, en compagnie des cuistots et des moines, nous partageons le même robinet. Donc pas question de me mettre toute nue. Je trouve un coin abrité pour mettre mes affaires au sec.

Puis c'est l'heure de mettre les pieds sous la table. Le menu du midi sera toujours pâtes et légumes. C'est végétarien. Ça me va à merveille.

La pluie s'est arrêtée. On peut mettre les fringues a sécher en tendant les cordes entre les tentes.

Quelques étirements et je mets mes chaussettes de contention de récup.

Le camp se remplit progressivement au fil des arrivées. Voilà Lesley.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

Les gamins sont ravis d'avoir de la visite. Les plus jeunes moines ont 7 ans. Ils sont en dortoir. Nous pouvons faire des dons au monastère, qui n'est pas des plus riches. J'ai amené des fringues. La course finance un prof d'anglais pendant 6 mois.

Jusqu'à il y a quelques années, chaque famille donnait un garçon aux monastères, voire plus pour les familles très pauvres. Ça faisait ça de moins à nourrir. Et les enfants avaient un semblant d'éducation. 20% de la population est moine ou nonne, avec beaucoup plus de moines que de nonnes. Maintenant l'école est gratuite, et de moins en moins d'enfants sont moines.

Le soir nous sommes invités à assister au dernier office de la journée. Nous entrons dans le temple, déchaussés. On s'assied par terre autour de la salle. Les moines lisent les prières, assis sur leur coussin. Certains gamins ont du mal à suivre, certains dorment ou bavardent avec leur voisin. D'autres sont très assidus et aiment chanter. Un des plus jeunes est dissipé et n'arrête pas de gigoter. Il se fait réprimander. Il n'aura pas dit une seule prière. Je suis une des dernières à partir.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

29km nous attendent demain, une montée jusqu'à 3500 m, suivie d'une descente à 2400 m. On nous annonce des sangsues. Charmant !

Sur la ligne de départ, Stefan nous distribue un petit sachet de plastique, rempli d'un mélange sel-tabac, très efficace pour détacher les sangsues paraît-il. Je n'en ai jamais vu. Je suis bien protégée, collant et chaussettes de contention.

Stefan fait aussi un contrôle de la lampe frontale obligatoire. Il rappelle à l'ordre ceux qui n'ont pas pris la leur. C'est dans le matériel obligatoire. Il ne mettra pas la pénalité promise au règlement.

Nous voilà partis par un sentier à flanc de montagne. Les mêmes qu'hier se retrouvent devant. Marcia a déjà filé, elle se sent fatiguée m'a-t-elle dit et n'aime pas les montées. Je suis avec Chloe, c'est plutôt elle que je dois distancer pour garder ma 2° place. Et c'est Satu qui déboule à toute vitesse et me double. Quelle mouche l'a piquée ?

On arrive à quelques maisons et à une bonne piste de 4x4 qui monte. Je la prends, j'ai hâte de grimper. Et... je ne vois plus de marques oranges. Tom m'a suivie. On fait demi tour, il fallait quitter la piste presqu'aussitôt. Chloe a eu le temps de passer. Je la redouble facilement.

La voilà, la montée. Manu, qui pose les marques, m'a assurée hier soir qu'il y avait peu de boue. Du coup je n'ai pas mis de guêtres.

Nous sommes dans une belle forêt de grands pins bleus. Le sentier s'encaisse et la boue fait son apparition. De plus en plus profonde. Le pied, la cheville. Je m'aide des branches sur certains passages. La forêt est très humide avec des barbes de St Antoine. Et voilà, ma chaussure reste dans la boue. Je maudits mes chaussures Brooks, ce n'est pas la première fois qu'elle me font le coup. Je plonge les mains dans la boue, un pied en l'air. Le chaussure est profondément enfouie. Je nettoie l'intérieur comme je peux, le pied de même, et je renfile le tout tant bien que mal. J'en ai partout. Je vérifie que je n'ai pas de petites bêtes sur les bras. J'ai bien perdu 5 mn dans cette histoire et Chloe ne tarde pas à apparaître derrière. Elle me double, avec ses bâtons. Je n'en ai pas pris, je préfère appuyer sur mes cuisses, à la réunionnaise.

Voilà une clairière qui apparaît, c'est le ravito. Il y a foule. Satu et Scott partent quand j'arrive. Chloe fait le plein d'eau. Je m'assieds sur une bâche et enlève ma chaussure, j'ai encore trop de boue dedans. Un gentil bouthanais veut m'aider et veut m'enlever l'autre. Non non. Il a l'œil et attrape 2 sangsues sur ma boueuse chaussette. Elles étaient dans ma chaussure, mais ne pouvait pas me sucer à travers la chaussette. Je croyais que ça ressemblait à une limace. Mais non, c'est beaucoup plus fin et ça gigote. Du moins quand c'est vide de sang. Petit nettoyage et je repars dans la foulée. Il y a encore 10 km de montée.

J'en ai fini avec la boue. Je rattrape rapidement Satu et Scott. Et je reste juste derrière Chloe sans pouvoir la doubler. Je me rapproche dès que la pente faiblit et elle s'éloigne dès que la pente augmente. Ce sont les bâtons qui font la différence ? Nous courons dès que la pente est douce, et je vais plus vite qu'elle à ce jeu.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

Nous tombons sur un troupeau de vaches à doubler, le vacher ne faisant guère d'effort pour pousser ses bêtes. Chloe ne s'aventure guère et je passe devant, en tapant sur les fesses des vaches pour qu'elles se poussent. Sinon on était pour un bail coincées derrière.

Les pins changent, on doit être vers les 3000 m, ce sont des Hameloecks maintenant, très différents des pins bleus.

Que vois je devant ? Un petit bout de chou avec des bâtons. C'est Marcia ! Elle est haute comme 3 pommes. Chloe la passe, moi derrière. Nous continuons sur le même rythme jusqu'au col, à 3400m. Je ne ressens pas du tout les effets de l'altitude. Tant mieux. C'est le ravito, dans les nuages. Là aussi, il y a foule. Chris et William font une pause. Chloe s'arrête pour prendre de l'eau et de la poudre de perlinpinpin.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

Je vérifie que j'ai encore assez d'eau pour les 10 km de descente, et je ne m'arrête pas. Je fonce dans la descente. Le sentier est roulant, bien sec. Il y a quelques rhododendrons en fleur, c'est la fin de la saison, mais je ne perds pas de temps à les admirer. Il y a de temps en temps quelques passages pentus et avec des racines. Il faut juste tenir le rythme, et boire régulièrement. Ne pas faiblir, bien respirer. Les jambes tirent ? Pas grave, on continue. Ils sont tous derrière. Il n'y a plus que Mo devant, mais ça, je ne l'ai pas encore réalisé. J'arrive à un chantier de coupe, de gros troncs d'arbre à passer. C'est que je descends si les activités humaines apparaissent. Le sentier prend fin, voici la route. Et la vue sur la vallée. J'aime beaucoup moins la route que le sentier et j'ai toujours beaucoup plus de mal à tenir une vitesse régulière. Les maisons sont proches maintenant. On quitte la route pour reprendre un sentier, beaucoup moins pentu. Ça me fait ralentir. Il serpente entre la rivière et les premières maisons, on surplombe un temple. Avant de rejoindre une route. William fait son apparition. Une meute de chiens en veut à ses mollets, ils me laissent tranquille. Il passe devant, je ne peux pas le suivre. Aujourd'hui nous sommes hébergés dans une maison privée. C'est laquelle ? Celle- ci est grande, mais ce n'est pas elle, les marques oranges continuent. Celle- là est belle, ce n'est pas elle non plus. Celle- là a plein de drapeaux à prières, ce n'est pas encore la bonne. Je continue à descendre, vite. La voilà ! Ça y est !

Je finis 3° et 1° fille ! Super ! Je tombe dans les bras de Mo. J'ai mis 5h11. William est à 2 mn devant, tout de même, il m'a mis 2 mn dans le village ! Et Mo seulement à 1/4 d'heure. Belle étape !

Marcia déboule 2 mn après moi et Chloe 10 mn.

Nous sommes dans la vallée de Timphu, en amont de la capitale.

Notre maison est très grande, nous avons la moitié du 2° étage pour nous. Donc un escalier à monter, la cantine étant au rez de chaussée. L'avantage d'arriver dans les premiers est de pouvoir choisir sa chambre. Je suis dans une petite pièce du bout, donc sans passage et j'ai un vrai matelas installé par terre le long d'une grande baie vitrée avec vue sur la vallée et les rizières. Je suis avec Mo, Marcia, Satu et Wiliam.

Il y a une vraie douche dans la même pièce que des toilettes turques. Je préfère le seau dans une petite salle de bain. Surtout que c'est un seau d'eau chaude, spécial pour Marcia qui a fait une mauvaise chute dans les troncs d'arbre.

Notre hôte a 4 femmes. Et oui, c'est autorisé par Bouddha. Qu'il a longtemps battues, comme ses enfants, sur fond d'alcool, avant de s'apercevoir de ses vices. La vie est belle depuis. Le père du roi a aussi 4 femmes.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

Les coureurs arrivent au fure et à mesure, et s'installent alignés par terre. Comme il faut rentrer pieds nus dans la maison, il y aura ce soir 80 paires de chaussures sur le balcon, 40 paires de baskets et 40 paires de savates. J'accueille Lesley, direction l'infirmerie. Elle ne supporte pas la vue du sang et a des sangsues sur les bras. Elle est en train de tourner de l'œil. Je porte son sac au 2° étage. Comme il est lourd ! Il y a bien plus que les 8 kg réglementaires.

Nous avons droit à un espace détente, trampoline et piscine. Le jeune fils de la maison m'ouvre le cadenas, je suis la seule à vouloir en profiter. Tu veux faire du trampoline ? Non merci, pas après 2 jours de course. Je vise la piscine, l'eau est fraiche, impeccable pour y plonger les jambes pour récupérer, avant un petit tour dans le village.

On doit alléger nos sacs de nuit pour le lendemain et ne prendre que le strict nécessaire, car ils seront portés par des chevaux et des porteurs. Voilà les 8kg réglementaires. Je n'avais pas dû tout comprendre car j'ai tablé sur 8 kg pour toute la semaine. Je n'ai rien à enlever de mon sac, et celui de Lesley s'est considérablement allégé.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

Le lendemain, 28km au programme. Nous entamons un bon tour de la vallée. On traverse tout le village pour remonter la rivière, d'abord sur une piste de 4X4, puis un sentier dans la forêt, avec quelques traversées de ruisseaux. Ah, voici un pont. Je m'y dirige, comme on doit passer sur l'autre rive, et je tombe sur un grand X orange. Ce n'est pas par là. Demi-tour et je retrouve la bonne direction. Le temps pour Marcia d'arriver.

Voici le bon pont. On redescend la vallée, sur une petite route. Chloe est juste devant, Marcia et moi à peu près ensemble, et Satu est juste derrière. Il n'y a aucune circulation sur la route, juste des piétons. Et des Bouddhas peints sur les rochers pour nous accompagner.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

Je rejoins les faubourgs de Timphu, on quitte la route pour une piste, qui commence à monter. J'abandonne Marcia qui ralentit. Voilà un bon torrent à traverser. Le pont est fait de vieux troncs, très vieux, en très mauvais état, et assez haut au-dessus de l'eau. Bon. Jouons la prudence. Je passe à 4 pattes. Pour voir qu'il y a un meilleur pont en peu en amont. Trop tard, je suis passée. Derrière, Satu fera le plongeon.

Je vois Chloe pas loin devant. Un petit passage bien raide, des drapeaux à prières, pour arriver à un chorten et au ravito. Chloe fait le plein d'eau et je la double car je n'ai pas besoin de m'arrêter. Je suis maintenant sur un magnifique sentier à flanc de montagne, avec une superbe vue sur Timphu et le dzong. Et en tête des filles.

Mais voilà que le sentier attaque la montagne en direct, tout droit. La montée finale s'annonce. Et c'est raide, très raide. Mais magnifique. Il y a plein de drapeaux et de bannières à prières. Et des bouthanais en tenue d'apparat qui montent vers le monastère de Phajoding. Aujourd'hui, c'est l'anniversaire du jour où Bouddha a atteint l'illumination, et un petit pèlerinage s'impose. Mais c'est toujours aussi raide.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

La pente finit par s'adoucir un peu, dans une belle forêt. Tiens, un convoi de chevaux. Ils portent nos sacs, 4 par cheval. Ce sont des petits chevaux. J'aperçois un maillot jaune fluo devant, c'est Chris. Et un maillot rose derrière, c'est Chloe. Elle finit par me rattraper avec ses bâtons. Je ne peux pas la suivre, mais tiens un bon rythme.

Je vois quelques maisons et un toit jaune, c'est le monastère qui nous accueille ce soir, à 3600 m d'altitude. Encore quelques marches à franchir à l'entrée, et j'y suis.

J'ai mis 4h11, 1 mn de plus que Chloe, Chris et Scott. Et 5° au scratch. Marcia arrivera bien après. Je passe en tête du classement féminin. Waouh !

Les moines offrent du jus d'orange aux pèlerins bouthanais et aux pèlerins coureurs après nos efforts respectifs.

Il fait beau, et la vue plongeante sur la vallée est superbe.

Mon sac est déjà là car c'est un sac à dos, et il est arrivé par porteur et pas par cheval. Les porteurs sont plus rapides. J'ai mes affaires de rechange chaudes tout de suite, car je suis trempée.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

Le lama Namyang nous reçoit. C'est le frère de la dame chez qui j'ai logé la semaine précédente dans la Haa valley ! Il parle parfaitement anglais, contrairement au reste de sa famille. Le monastère était en perdition il y a 4 ans de cela quand il est arrivé, il n'y avait plus que 4 moines. Il a redressé la barre, et il y en a 40 aujourd'hui. Le monastère est assez grand pour qu'ils aient une chambre individuelle chacun. Nous partageons leurs chambres, 2 coureurs par moine. Les femmes sont avec les plus jeunes, entre 7 et 10 ans. Mais malheureusement les gamins ne sont pas assez nombreux, et les premières coureuses arrivées sont logées dans une pièce à part. Je ne serai donc pas avec un moinillon. Mais j'ai le droit à un vrai matelas et un vrai oreiller. On se serre les unes à côté des autres.

Les douches sont communes, et chaudes. Il y a des chauffe- eau solaires. Il se débrouille bien le lama Namyang ! C'est appréciable à 3600 m, même s'il ne fait pas froid à midi. On fait une fournée garçons, une fournée filles.

Le repas est servi dans la cour du monastère.

Certains coureurs sont mal en point à l'arrivée, l'altitude laisse des traces, surtout qu'il n'y a pas eu d'acclimatation du tout. On est passé d'un coup de 2500 à 3600 m, ce qui est très mauvais. En plus nous n'avons qu'un médecin sur deux ce soir.

Une fois tout le monde arrivé et requinquė, il est prévu au programme un match de foot coureurs contre moines. Les jeunes sont très excités. C'est un match à 7 de 2 fois 20 mn. Nous sommes une équipe de 40 contre 7. On va pouvoir se remplacer à gogo. Et ce n'est pas du luxe. Si je n'ai pas ressenti l'altitude lors de la montée, il n'en est pas de même à courir à fond derrière un ballon. On ne tient que quelques minutes. C'est l'essoufflement immédiat. Ça permet à tout le monde de jouer ! Les moines sont en savates, et relèvent leur robe à la taille, c'est plus pratique. Ils sont en short en dessous, modernes les moines ! Et je marque un but ! Nous perdrons 3-1 malgré nos nombreux remplaçants, et un de nos coureurs bouthanais qui fait partie de l'équipe nationale bouthanaise. En tout cas, on a bien rigolé.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

Il est maintenant l'heure pour les moines de préparer les lampes à beurre. Elles doivent brûler toute la nuit pour Bouddha.

Ce soir c'est la pleine lune, qui éclaire les lumières de Timphu plus de 1000 m plus bas, c'est magnifique.

Stéphanie l'américaine nous fait écouter des mantras comme berceuse ce soir dans notre dortoir, pour être dans le ton du lieu.

Cette nuit, il y a eu des cavalcades le long du mur. Et oui, les rats aiment l'altitude.

4° étape de 38 km pour aujourdl'hui.

Les moines se lèvent à 4h30 pour leur 1° office. Ne faites pas trop de bruit svp. Seuls les petits en sont dispensés et sont réveillés à 6h30. Ils nous accompagnent tous sur la ligne de départ pour un dernier au revoir.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

On part en montée. Certains veulent courir, mais à 3600 m de bon matin, pas moi. On grimpe jusqu'à 3800m, point culminant de la semaine. Je caracole sur le sentier, talonnée par Chloe et Satu. On aperçoit le col de Pumula avec un chorten en haut. J'y vais d'un bon train, jusqu'à ne plus voir de marque orange. Nous sommes les 3 filles et un des bouthanais. On fait le tour du chorten, on va jusqu'au col, peine perdue, il faut faire demi- tour. Et oui, il fallait tourner à gauche 200 m avant, dans la forêt. C'est malin, on se retrouve dans le peloton. On a dû perdre une dizaine de minutes. C'est une descente de 1000 m de dénivelé qui m'attend. Je largue tout le monde, mes deux suivantes, et je double tous ceux qui ont pu passer devant. On se pousse pour me laisser la voie libre. Roli l'italien est subjugué et tente de me suivre. Il tiendra un bon bout de temps avant de lâcher. Cela lui permettra de faire un top ten aujourd'hui, il n'en est pas encore revenu ! La descente n'est pas très longue, environ 5 km, mais raide. Le terrain est sec, je dévale. Je ne sais plus qui est devant, c'est embêtant.

J'arrive dans une vallée, de nouveau des rizières. On traverse la rivière, voilà quelques maisons le long d'une bonne piste et je vais tout droit. Oups, une dame me fait signe que c'est à droite, il faut franchir une barrière. Merci madame ! Je remonte le long de la rivière dans un petit chemin plein... d'orties. Je n'ai plus l'habitude de ça à la Réunion, et bien sûr je mets la main dedans. Aïe aïe, n'y pensons plus.

Je traverse la rivière une fois, 2 fois, 3 fois, pour la redescendre sur la rive opposée. Je rattrape Marcia dans une petite côte peu après le ravito et je file devant. Je suis sur une belle piste de 4x4 qui surplombe la vallée, très belle, avec une maison bouthanaise de temps en temps.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

La montée commence, c'est parti pour une dizaine de km. C'est toujours la piste par moment et un sentier raccourci qui monte tout droit à d'autre.

J'aperçois Scott dans les herbes, les fesses à l'air. Tchic tchic. Aux USA quand une fille double un mec, elle dit tchic tchic et lui pince les fesses. Je n'irai pas pincer celles de Scott, mais ça le fait bien rire.

J'ai manqué le raccourci, je l'aperçois sur ma droite. Je le rejoins car c'est vraiment plus court que la piste. Et bien me voilà dans un marécage. Je ne m'en sors pas trop mal, et je reste désormais vigilante aux marques oranges, d'autant que la forêt est bien claire, elles sont faciles à voir.

Bouthan, le dernier secret -juin 1015

Tiens, une fille à bâtons devant, qui monte beaucoup plus doucement que moi. C'est Maria l'espagnole. Elle m'encourage. Elle a été tout droit là où la dame m'a rattrapée et ne s'est pas aperçue de sa fausse route. Cela lui a fait un mégaraccourci ! Elle aura une pénalité de 2h. Mais du coup je ne sais plus du tout qui est devant moi. De toute façon, je fonce tant que je peux. Je sors de la forêt pour atteindre des pâturages. C'est le col de Jala, à 3500 m. Il y a plein de petites fleurs, et un petit monastère. deux moines me font signe. Kouzouzanpola !

Ça y est, je surplombe la vallée de Paro depuis le col. Quelle vue ! 1300 m plus bas. Ça va descendre à gogo. Je croise des chevaux chargés qui montent. J'entre dans la forêt et je n'ai plus de vue. Je tiens un bon rythme tout du long. C'est chouette cette descente, même si les jambes tirent. Je suis à l'aise sur le sentier. D'ailleurs je rattrape Chris. Voilà la piste et le ravito. Je prends un peu d'eau cette fois. Chris est sur mes talons.

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La route va être longue maintenant et je prends de l'avance. Les premières maisons apparaissent et la piste fait de beaux virages. Pas un raccourci pour couper. La vue est dégagée, Paro est le confluent de deux vallées, c'est magnifique. Je n'ai pas besoin de regarder mes pieds, je profite du paysage. Et la vallée se rapproche à chaque tournant. C'est une route maintenant. Je passe à côté du musée national. Il y a des bus... Mais moi, c'est à pied. Je prends toujours les virages par l'intérieur, c'est plus court. Je dois veiller à la circulation, certes très faible. Mais il y a longtemps que je n'ai pas dû y prendre garde. Surtout qu'ici, les gens ne sont pas habitués aux coureurs.

Ça y est, je suis en bas. Je vais où maintenant ? Dans une ferme, c'est tout ce que je sais. Elle est où ? Dans quelle vallée ? Et bien dans les rizières en tout cas. Les petites digues très étroites me font bien ralentir, avec des virages à angle droit, et bien sur la flotte des 2 côtés. Je traverse quelques cours de ferme, mais ce n'est pas encore la mienne. Il faut vraiment chercher son chemin. A ce petit jeu Chris me rattrape. C'est trop plat. Je traverse la rivière sur un pont suspendu, puis je longe le lit, toujours sur un petit sentier. J'aperçois toujours Chris. Je passe un petit talus abrupt, allez, on pousse un petit coup, je rejoins la route, je traverse encore un pont, et juste après, ma ferme ! 5h38 pour y arriver.

J'ai la surprise d'y être la 1° fille, et en fait je suis 4°, 2 mn derrière Chris. Chloe arrive 20 mn plus tard et Marcia 1/2 h. Je passe 4° au scratch.

Bonne journée n'est ce pas !

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Les deux dernieres étapes sont beaucoup plus plates, je sais que mes points forts sont joués.

Notre ferme est grande. Nous sommes logés au 2° étage, pour changer. Mais les toilettes sont au 1°, des vraies toilettes, ne nous plaignons pas. Toujours des escaliers, et des raides. Le premier est extérieur.

Mo m'installe à côté de lui, sur un vrai matelas. C'est l'avantage d'arriver dans les premiers.

La ferme est au milieu des rizières inondées. Il y a des petits veaux.

Il y a aussi un sauna. Je me décrasse à l'eau froide avant de m'immerger dans une baignoire en bois dont l'eau est chauffée par des pierres brûlantes, elles-mêmes chauffées dans un feu. Un monsieur est préposé au feu. L'eau de la première baignoire est carrément trop chaude. J'en choisis une autre.

Puis je vais me détendre les jambes dans la rivière. Quelle excellente récup ! Et je vais bouquiner sur le toit terrasse d'une remise, avec vue sur les rizières et la montagne. Paro est réputé pour son riz rouge, au demeurant excellent. Enfin, je ne bouquine pas beaucoup, entre les arrivées des coureurs et les autres prétendants à la terrasse.

La 5° étape fait 53km et nous restons dans la vallée de Paro. C'est bien plat pour moi, bien que ce ne soit jamais plat en fait, toujours en montées et descentes courtes ou avec des pentes faibles.

Le départ est donné en 2 temps, le top 8 part une heure après le peloton. Il y a 4 gars et 4 filles dans le top 8. Incroyable, non ? Les gars se baladent ou quoi ? Je vais encourager le 1° groupe, à 6h, en attendant mon tour. Nous partons devant un moulin à prières géant. Certains tournent en permanence, actionnés par le courant d'un ruisseau. Pas celui-ci.

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On commence par remonter la vallée sur une bonne piste surplombant la rivière. Je suis avec Marcia, Chloe, Satu et Scott. Devant ou derrière suivant le sens de la pente. Nous traversons la rivière et c'est le 1° ravito. Je ne m'y arrête pas et passe devant, enfin, tout de même derrière Marcia. D'ailleurs, ça y est, elle démarre et je ne la reverrai plus. Scott essaie de la suivre, vainement. On fait le même chemin sur l'autre rive et dans l'autre sens. Me voici dans les rizières. Voilà qui me fait ralentir, c'est trop étroit. Quand ce n'est pas une rizière inondée qui borde le sentier, ce sont les orties.

Les autres me rattrapent. On loupe quelques embranchements de temps en temps, mais rien de grave, on s'en aperçoit tout de suite. Jusqu'à ce qu'on rejoigne Haruki le japonais du 1° groupe qui s'est fourvoyé et cherche sa route désespérément. Je remets toute la petite troupe sur le droit chemin.

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On grimpe vers le musée national, le même qu'hier. Un peu de route, un peu de piste. Scott est parti devant, je vois Chloe, et Satu me talonne. C'est déjà le 2° ravito, 20km de fait. Un petit sentier raide descend vers la vallée. J'y double quelques coureurs du 1° groupe, qui m'encouragent. Je rejoins une route qui longe le petit aéroport, puis un village. La circulation est plus dense. Je quitte la route pour prendre un sentier le long de la rivière, on ne peut pas plus plat. On doit la traverser. Je ne vois plus Chloe, mais elle ne doit pas être loin devant. Un pont, ce n'est pas le bon. Un deuxième pont, je suis prête à le prendre, mais une grande croix orange m'en dissuade, effectivement, la rubalise me fait tourner à gauche et continuer à longer la rivière. Je me retourne, Satu est derrière, elle a dû voir où est le bon chemin. Le sentier devient étroit. troisième pont suspendu, c'est le bon. Mais en face, je continue à longer la rivière, cette fois il n'y a plus de chemin et je suis dans le lit, il faut sauter de pierre en pierre, mais on est au sec. Je ne vois plus personne, mais je ne m'en inquiète pas, je suis concentrée sur les pierres et le balisage est bien marqué. Je quitte enfin la rivière par un bon chemin, mais voilà qu'il sert de petite torrent. Ok, je me mouille les pieds, pas le choix. Je rejoins une bonne piste qui remonte maintenant la vallée. Ah ça y est, j'atteins le pont de tout à l'heure que j'avais failli emprunter. La piste surplombe l'aéroport de l'autre côté par rapport à tout à l'heure, et elle est en travaux. Le trajet n'est pas folichon. Ce sont des indiens qui refont les routes, physiquement, ils ressemblent aux bouthanais, ils sont de type tibétains.

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Je rattrape le peloton du 1° groupe. Et le ravito. Stéphanie me propose une banane. Volontiers !

La piste monte et descend, je cours toujours, quel que soit son profil. Je suis même à l'aise quand ça monte. Je passe juste au-dessus du magnifique dzong. Belle forteresse. Puis ça redescend vers Paro. Je traverse la rivière avec un des coureurs bouthanais, il y rencontre des connaissances et s'arrête faire causette. Cette fois, je remonte l'autre branche de la vallée de Paro, sur une bonne piste. Comme c'est plat ! Comme c'est droit ! Ce n'est pas excitant. Heureusement que le paysage est beau, parsemé de drapeaux à prières, de vaches, de belles maisons, et la rivière bien houleuse. Je continue sans faille ma petite foulée régulière.

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Enfin de nouveau un beau pont suspendu. Le ravito est juste après. J'y retrouve quelques coureurs du 1° groupe et quelques bananes. J'attaque les 10 derniers km, qui montent un peu. Je cours toujours, montée ou pas. Mais voilà que mon genou se réveille. Aïe aïe aïe. Je prends un paracétamol, je n'en ai qu'un sur moi, autant qu'il serve, et je continue vaillamment. La douleur s'estompe. Je traverse un village. Ca redescend vers la rivière et les rizières. Je me retrouve de nouveau sur les adorables minuscules diguettes, un petit canal d'un côté et les champs inondés de l'autre. Je rejoins Marna et Erika les australiennes, qui courent ensemble. C'est scabreux pour les doubler vu la largeur du sentier, mais on s'en sort. Puis je remonte vers la route. Ça monte encore vers un autre village. Je vois un château en ruine sur une petite colline. C'est là que je vais. Et je cours de bon cœur. Un grand moulin à prières indique le sentier vers le château. Il y a du monde et je suis encouragée. Le chemin tournicote autour du château pour y monter, c'est surprenant. On l'aura vu sous toute ses coutures, je rattrape Anna, la russe. Un dernier escalier mène à la porte de la bâtisse et à la cour intérieure. J'y suis ! Mais... Satu est là, et pleins d'autres coureurs. Je suis très surprise. La dernière fois que j'ai vu Satu, elle était derrière moi et elle ne m'a jamais doublée... Stefan me tombe dessus : tu es passée dans l'eau ? Ben oui.

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En fait seuls 8 coureurs ont pris le bon chemin, dont moi. Tous les autres ont pris le fameux pont et ont fait plus de 2 km en moins, et pas les plus faciles, ceux du lit de la rivière. Stefan décide de rajouter l'équivalent de 2 km à la vitesse moyenne de chacun pour tous ceux qui se sont plantés. Je ne pense pas que ça représente la réalité, mais je ne peux que l'accepter. J'ai mis 7h26 et ça me fait arriver 4° femme, derrière Satu. Pas normal. J'ai couru tout le temps, je n'ai pas traîné. Marcia est 1h devant moi et Chloe 20 mn. Certes je reste 1° femme en cumulé, Marcia est à 4mn derrière.

Bref, admirons le château. Il est en ruine et on voit bien le mode de construction en terre, comme toutes les maisons. Il protégeait des invasions tibétaines.

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Le repas, les pâtes du midi, est servi sur place. Le campement est installé au pied de la colline. Il y a longtemps que nous n'avons pas dormi sous la tente !

Le sol est plein de bosses sous la tente. On s'y fera pour la dernière nuit.

Il y a un petit ruisseau à côté du camp, impeccable pour la baignade-douche.

Quand je pense qu'il y a des sommets enneigés au dessus de ma tête dont le Jomolhari, malheureusement on ne les voit pas, ils sont dans les nuages.

Ce soir c'est le dernier repas dehors avec notre équipe de cuistots. Ça sent la fin.

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Dernière etape : 15km

Nous partons de nouveau en deux groupes, cette fois 1/2h après le peloton. On part en descente pour rejoindre la rivière qu'on traverse. Nous sommes sur une bonne piste, c'est presque plat et je me retrouve en queue de notre groupe. Laura la serre-file me tient compagnie. Marcia a filé allègrement devant, on ne la voit déjà plus. Ça va être dur de garder mon temps d'avance avec cette configuration plate. Je rejoins les derniers du groupe précédent et Laura m'abandonne. C'est maintenant Mo qui m'attend, il a une avance largement confortable pour musarder, sa victoire est assurée, et il veut courir avec moi. Je traverse quelques rizières sur la diguette traditionnelle, puis le sentier continue en sous-bois en surplombant la rivière. Une petite montée raide et je dépasse Satu. Puis je longe un petit canal sur un muret étroit sur quelques km. Mo est devant, il a le pied plus sûr que moi. Certains préfèreront passer carrément dans l'eau.

Je rejoins un village avant de quitter la vallée et de monter vers le parking du chemin du monastère du nid du tigre, Taktsang Lhakhang, par une bonne route. Oui oui, c'est un tigre volant. Le monastère le plus connu du Bouthan, accroché à la falaise tout là-haut. J'alterne course et marche et trouve quelques raccourcis pour couper les virages. Je double une partie du 1° groupe.

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Le ravito est sur le parking. Je ne m'arrête pas, comme d'hab. Il me reste 5km de montée pour me hisser à 3000m. Les 5 derniers km d'une belle semaine de course. Ça grimpe bien. Il y a du monde, le monastère est réputé. Des bouthanais, et quelques touristes indiens à cheval, c'est plus facile. On nous laisse passer. Il y a quelques raccourcis que me montrent les bouthanais, j'en profite. C'est juste encore plus raide. J'appuie fort sur les cuisses. Je vois le monastère là-haut, il n'est pas si loin ma foi. Je passe un resto, ce sera pour tout à l'heure. Je rejoins un groupe de moines qui portent une chaise a porteur avec un moine âgé. C'est le lama du monastère qui est de sortie. Le dernier morceau est un escalier. Mais... qui descend ! Je pensais que ça monterait ! Je le dévale parmi les drapeaux à prières, place place ! L'escalier finit par remonter, ce sont les dernières marches de l'arrivée. Fini ! J'ai mis 2h21.

Je sors la veste, ça caille avec le maillot mouillé. C'est la détente et l'excitation des arrivées finales.

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Marcia a mis 7mn de moins que moi, elle prend donc la tête du classement final et je suis 2° à 2mn. Elle court vraiment trop vite sur le plat pour moi, elle a la moitié de mon âge. Chloe finit 3° 15mn derrière moi.

Nous allons visiter le monastère, bras et jambes couverts et pieds nus bien sûr. Le temple est à flanc de falaise et le mur du fond est le rocher. On fait le tour de Bouddha, confortablement assis. Les temples sont toujours très colorés. Le nid du tigre est une anfractuosité dans le rocher.

Puis nous redescendons au resto. Sur un autre rythme ! Tiens, des singes dans l'arbre. Je ne les avais pas vus a l'aller.

Après s'être ragaillardis, nous terminons la descente en admirant la vue sur la vallée. Puis c'est 10mn de bus jusqu'à l'hôtel à Paro.

Pour la dernière soirée nous avons le droit à un show de danses et chants traditionnels de chaque région du Bouthan. Voilà qu'on amène un fauteuil. C'est l'oncle du roi qui vient présider notre soirée, vêtu du gho bien sûr. Je suis conviée à sa table. Il remet les trophées aux podium. Quel honneur ! On n'a pas rigolé comme les autres tables, mais c'était passionnant. Une autre façon de découvrir le Bouthan. Comment un pays appréhende la modernité en n'en choisissant que les côtés positifs et en protégeant l'environnement.

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La suite ne déroge pas aux fins de courses à étapes : alcool et boîte. Et oui, même à Paro, il y a des boîtes. Je me conterai d'une bonne bière, et au dodo. D'autres aventures m'attendent avec une semaine à Calcutta, histoire de changer radicalement d'univers.
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